av Francois Arago
340,-
" Siméon-Denis Poisson naquit à Pithiviers, département du Loiret, le 21 juin 1781, de Siméon Poisson et de mademoiselle Franchetère, sa femme. Le père, après avoir pris part comme simple soldat aux guerres du Hanovre, fit l¿acquisition d¿une petite place administrative ; il remplissait, dans la capitale du Gâtinais, des fonctions analogues à celles qui aujourd¿hui sont dévolues aux juges de paix. Les aînés de Siméon-Denis étaient morts en bas âge. En 1781, les éloquentes prescriptions de Jean-Jacques Rousseau sur l¿allaitement des enfants, si bien accueillies dans les villes, avaient à peine pénétré dans les campagnes. La mère de Poisson était d¿ailleurs d¿une santé très- délicate ; son jeune enfant fut donc confié à une nourrice habitant une maison isolée à quelque distance de Pithiviers. M. Poisson alla un jour visiter son fils ; la nourrice était aux champs ; impatient, il pénétra de force dans l¿habitation, et vit, avec un douloureux étonnement, ce fils, objet de toutes ses espérances, suspendu par une petite corde à un clou fixé dans le mur. C¿est ainsi que la campagnarde s¿assurait que son nourrisson ne périrait pas sous la dent des animaux carnassiers et immondes qui circulaient dans la maison. Poisson, de qui je tiens cette anecdote, ne l¿envisageait que par son côté plaisant : « Un effort gymnastique me portait incessamment, disait-il, de part et d¿autre de la verticale ; c¿est ainsi que, dès ma plus tendre enfance, je préludais aux travaux sur le pendule qui devaient tant m¿occuper dans mon âge mûr. » Prenons la chose du côté sérieux, et félicitons nous que, par la création dans le plus humble village d¿une crèche et d¿une salle d¿asile, la vie d¿un enfant destiné à honorer son pays ne doive plus dépendre de la solidité d¿un clou et de la ténacité de quelques brins de chanvre."