av Paul Janet
196,-
Dans un travail précédent, nous avons étudié un groupe de penseurs chez lesquels l'idée spiritualiste raffinée, subtilisée, vaporisée, au point d'être quelquefois à peine l'ombre d'elle-même, ne paraît subsister qu'à titre de tendance morale et religieuse. Nous voudrions étudier aujourd'hui un autre groupe d'écrivains, plus réglés, plus soucieux de la clarté et de la précision, plus fidèles à la tradition, et qui toutefois ont cherché aussi à rajeunir et à élargir la doctrine spiritualiste, à en tirer non-seulement une philosophie de l'esprit, mais encore une philosophie de la nature. Ceux-ci relèvent de Leibniz, et leur principe est l'idée de force, que ce grand philosophe a introduite dans la philosophie et dans la science. Tout être est actif par essence. Ce qui n'agit pas n'existe pas, quod non agît, non existit. Or tout ce qui agit est force : tout est donc force ou composé de forces, et cela est vrai des corps comme des esprits. L'essence de la matière n'est pas l'étendue inerte, comme le croyait Descartes, c'est l'action, l'effort, l'énergie. De plus le corps est composé, et le composé suppose le simple. Les forces qui composent le corps sont donc des éléments simples, inétendus, des atomes incorporels. Ainsi l'univers est un vaste dynamisme, un savant système de forces individuelles, harmoniquement liées sous le gouvernement d'une force primordiale, dont l'activité absolue laisse subsister en dehors d'elle l'activité propre des créatures et les dirige sans les absorber...