av Pierre de Ségur
340,-
" Dans la soirée du mercredi 24 janvier 1680, une nouvelle extraordinaire éclatait brusquement à Paris et à Saint- Germain, plongeant dans la stupeur bourgeois et gens de Cour. Le maréchal de Luxembourg, le vainqueur de Woerden, de Valenciennes, de Saint-Denis, l¿une des gloires de la France, le premier de ses capitaines depuis la mort de Turenne et la retraite du grand Condé, venait d¿entrer à la Bastille, inculpé d¿actes infamans, menacé, disait-on, de la peine capitale. Rien ne préparait les esprits à cette chute foudroyante. La veille encore, le maréchal, capitaine des gardes du corps, exerçait tranquillement sa charge auprès du Roi, qui lui faisait « bonne mine, » ainsi qüà l¿ordinaire. Un échange de cadeaux avait même, ce jour-là, attesté leur parfait accord : le duc ayant cédé à Louis XIV un magnifique cheval de guerre, le souverain avait riposté par le don d¿une épée de prix. À cette heure-là pourtant, l¿ordre d¿arrestation avait déjà reçu la signature royale. Luxembourg, disons-le, n¿était pas seul en cause ; d¿autres, ¿ d¿un rang égal, bien que de moindre illustration, ¿ étaient impliqués dans l¿affaire, et leurs noms, le lendemain, couraient de bouche en bouche. Sur ces derniers toutefois ne se referma pas la porte redoutable de la vieille forteresse : les uns, comme on verra, se mirent à l¿abri par la fuite ; les autres, plus nombreux, furent soumis à une simple enquête que ne suivit aucun effet. Seul, en toute cette classe d¿accusés, le procès fait à Luxembourg eut un cours régulier, fut instruit dans les formes et poussé jusqüau terme ; plus que tout autre donc, il peut donner matière à une étude approfondie."