- theatre, morale et rhetorique en France et en Italie 1694-1758
av Sylviane Leoni
1 410,-
Poison pour Platon et les pères de l'Eglise, catharsis pour Aristote, le théâtre occidental trouva plus facilement une place dans la vie quotidienne de la cité que dans la réflexion des élites intellectuelles. Pendant plus de deux mille ans, loin des applaudissements et des murmures des spectateurs, se noua ainsi une longue 'histoire des mots', solidaire d'une histoire de la pensée car le discours sur le théâtre fut aussi, tout au long des siècles, discours sur l'homme et sa place dans le monde, discours sur la mimesis, sur le savoir et le pouvoir des mots. Au cours de la première moitie du dix-huitième siècle, le débat sur la légitimité des spectacles fait apparaître les permanences, les ruptures, les ambiguïtés d'une époque partagée entre la vérité des théologiens et celle des philosophes, entre un modèle ascétique d'humanité et une aspiration a un solide bonheur terrestre, entre un savoir fonde sur les textes et une raison fille de l'expérience. Contempteur des sciences et des arts, Rousseau ajoute encore à la complexité de ce débat. Si, en Italie, la prudence a l'égard de l'Eglise et des valeurs chrétiennes fut plus grande qu'en France, cette polémique révèle néanmoins, dans les deux pays, un dix-huitième siècle bien-pensant, soucieux de théâtre moral et vertueux, ce que n'attestent pas, on le sait, d'autres textes de la même période. Querelles ou les mots règnent en maîtres, la querelle sur la légitimité du théâtre attire donc également l'attention sur l'opacité que pouvait avoir le document écrit a cette époque: opacité a l'égard des faits, des idées, mais aussi des interrogations étrangères a la culture rhétorique à laquelle il appartenait souvent.