Om A. B. C. du travailleur
Il y a quatre ou cinq ans, les hasards de la vie me mirent en correspondance avec un groupe de travailleurs parisiens. Ils n'étaient guère plus de soixantedix, mais chacun représentait un corps de métier, et l'on devinait derrière eux toute une armée de camarades. Je n'en ai pas vu un seul face à face: ils m'écrivirent, je leur répondis une lettre assez longue qui courut les ateliers, puis l'un d'eux, qui semblait exercer une certaine autorité par sa droiture et ses lumières, m'adressa une proposition qui peut se résumer ainsi: «Voulezvous lier avec nous une amitié solide et durable? Rendeznous un service que ni nos orateurs, ni nos publicistes en titre n'ont jamais songé à nous offrir. Publiez un petit livre qui nous apprenne en quelques heures de lecture tout ce qu'il nous est indispensable de savoir. Ce que nous vous demandons, ce n'est pas un abrégé de la science universelle: il y a tant de choses au monde qui ne nous touchent ni de près ni de loin! Mais le sens commun nous dit qu'un homme de bonne volonté pourrait, avec un peu d'effort, serrer dans deux ou trois cents pages toutes les vérités pratiques qu'il nous importe de savoir. [...]» Je répondis à mon correspondant que j'acceptais la tâche [...] Nul n'est censé ignorer les lois civiles et pénales qui nous régissent, et réellement personne ne les ignore dans leurs traits principaux. Pourquoi la grande majorité d'un peuple comme le nôtre ignoretelle encore les lois économiques, lois éternelles, immuables, dérivées fatalement de la nature ellemême?...
Visa mer