Om CLITANDRE
Je prends avantage de ma témérité ; et quelque défiance que j¿aie de Clitandre, je ne puis croire qüon s¿en promette rien de mauvais, après avoir vu la hardiesse que j¿ai de vous l¿offrir. Il est impossible qüon s¿imagine qüà des personnes de votre rang, et à des esprits de l¿excellence du vôtre, on présente rien qui ne soit de mise, puisqüil est tout vrai que vous avez un tel dégoût des mauvaises choses, et les savez si nettement démêler d¿avec les bonnes, qüon fait paraître plus de manque de jugement à vous les présenter qüà les concevoir. Cette vérité est si généralement reconnue, qüil faudrait n¿être pas du monde pour ignorer que votre condition vous relève encore moins par-dessus le reste des hommes que votre esprit, et que les belles parties qui ont accompagné la splendeur de votre naissance n¿ont reçu d¿elle que ce qui leur était dû : c¿est ce qui fait dire aux plus honnêtes gens de notre siècle qüil semble que le ciel ne vous a fait naître prince qüafin d¿ôter au roi la gloire de choisir votre personne, et d¿établir votre grandeur sur la seule reconnais- sance de vos vertus : aussi, MONSEIGNEUR, ces considérations m¿auraient intimidé, et ce cavalier n¿eût jamais osé vous aller entretenir de ma part, si votre permission ne l¿en eût autorisé, et comme assuré que vous l¿aviez en quelque sorte d¿estime, vu qüil ne vous était pas tout à fait inconnu. C¿est le même qui, par vos commandements, vous fut conter, il y a quelque temps, une partie de ses aventures, autant qüen pouvaient contenir deux actes de ce poème encore tout informes et qui n¿étaient qüà peine ébauchés. Le malheur ne persécutait point encore son inno- cence, et ses contentements devaient être en un haut degré, puisque l¿affection, la promesse et l¿autorité de son prince lui rendaient la posses- sion de sa maîtresse presque infaillible ; ses faveurs toutefois ne lui étaient point si chères que celles qüil recevait de vous ; et jamais il ne se fût plaint de sa prison, s¿il y eût trouvé autant de douceur qüen votre cabinet. Il a couru de grands périls durant sa vie, et n¿en court pas de moindres à présent que je tâche à le faire revivre.
Visa mer